Fulcanelli et Henri Coton-Alvart

C'est en 1894 que naît Henri Coton, d'une mère qui faisait profession d'émailleuse. Il utilise tout d'abord ses dons artistiques pour gagner sa vie en tant que peintre-héraldiste, puis entre à la Société alsacienne des explosifs comme ingénieur-chimiste; il finira au conseil d'administration. Ses nombreux brevets ont été commercialisés -- il est notamment l'inventeur des mines anti-détection. Dans la revue Atlantis est publiée une lettre privée qu'Henri Coton (il signait de 3 étoiles) avait envoyée à la demande de l'un des animateurs de cette revue. Elle traita de la relation entre l'Alchimie et l'héraldisme.

Nous la reproduisons plus loin. Jusqu'en 1927, on lit dans ce mensuel des propos qu'il a tenus : soit des compte-rendus de causeries qu'il avait faites dans le sein de l'association Atlantis, comme celle concernant le sens hermétique des contes de fées, soit des interventions sur le sujet de l'Alchimie, sous forme de réponse à des affirmations qu'il jugeait inexactes.
(Cf. cette lettre d'Henri Coton-Alvart à René Guénon).

A cette époque, âgé de 39 ans, il était déjà très avancé dans la compréhension du processus alchimique. Ce qui se vérifia par la suite. D'ailleurs, lors de certains banquets annuels d'Atlantis à l'occasion des solstices, il intervint sur le sujet de l'Alchimie, et Paul le Cour, le président de ce mouvement, en parle avec admiration dans la tribune de son mensuel.

Henri Coton-Alvart quitta le groupement dirigé par Paul le Cour vers 1935 et on ne sut plus rien de lui. Il sortit de la scène publique pour se consacrer au Grand œuvre, qu'il mena à bien.bLorsque l'on étudie attentivement les noms qui fleurissent tout au long des numéros de la revue, et ce depuis sa création en 1927, il apparaît que de nombreux personnages ayant gravité autour du cercle dans lequel les ouvrages de "Fulcanelli" prirent racine, avaient adhéré à l'association -- notamment O. W. de Lubicz-Milosz, qui fut un grand ami de Henri Coton, qui le distingua toujours des autres personnages qui s'étaient regroupés sous le nom "Les Veilleurs".

L'inspirateur de ce mouvement avait été René Schwaller, à qui Milosz donna le droit de porter son patronyme, et celui-ci devint Schwaller de Lubicz. Chacun, dans l'enthousiasme de l'époque, se trouva un nomen mysticum et Henri Coton prit celui d'Alvart, nom qu'il garda d'ailleurs toute sa vie.
L'on retrouve également en Atlantis le Dr. Robert Hollier qui, lui aussi, fut un admirateur et ami d'Henri Coton. Il lui doit son très beau livre intitulé Tohu Bohu -- Des confins de la science au seuil de la connaissance. A l'époque de la parution, cela faisait près de 45 ans qu'ils se rencontraient.

Au chapitre "Transmutations et Alchimie", page 85, en note, à propos d'Henri Coton-Alvart, le Dr. Hollier écrit ceci : "Je tiens l'immense majorité des "alchimistes" pour d'aimables farfelus" ". Il existe néanmoins quelques rares authentiques alchimistes. Ce sont des hommes de science qui pensent qu'il n'est pas scientifique de rejeter systématiquement une discipline intellectuelle à laquelle se sont voués tant de bons esprits, de savants, de philosophes [...]. Loin du monde, inconnus de tous, dans le secret de leurs modernes laboratoires, ils ont comparé, pesé, analysé, vérifié, confronté les deux chimies. Je n'ai jamais eu le loisir, ni l'appareillage, pour m'adonner à "l'Alchimie opérative", mais chez un très savant ami, alchimiste, j'ai vu d'étonnantes choses. »

Dans la liste des ouvrages dont les auteurs furent influencés par l'immense savoir de cet homme hors du commun figure notamment le Sensorium Dei dans l'Hermétisme et la Science, de Jean Zafiropulo et Catherine Monod. Henri Coton-Alvart eut un initiateur, celui-là même qui rédigea les notes à partir desquelles les ouvrages intitulés Le Mystère des Cathédrales et Les Demeures Philosophales furent publiés sous le nom de Fulcanelli : il s'agit de Pierre Dujols de Valois, dont l'érudition, dans tous les domaines touchant laTradition, fut, sans conteste, inégalée. Il laissa d'ailleurs des manuels bibliographiques de sa librairie et édition où chaque ouvrage est commenté. Ils furent repris par Albert Caillet, qui rédigea en 1912 un Manuel bibliographique des sciences psychiques ou occultes en trois volumes, réédité depuis ; de nos jours, les libraires utilisent encore les précieux commentaires de Pierre Dujols pour présenter les livres anciens qu'ils mettent en vente dans leurs catalogues.Pierre Dujols de Valois, né en 1864 et mort prématurément en 1926, était le descendant du dernier fils de la reine Catherine de Médicis, le duc d'Alençon -- une brochure intitulée Valois contre Bourbons présente sa généalogie, qui passe par les Grands d'Espagne.

C'est son frère, Antoine Dujols de Valois, un facteur des plus étrange qui l'écrivit et s'acharna à faire reconnaître cette filiation ; c'était un curieux facteur, très cultivé, et qui avait de sérieux dons de thaumaturge. Il guérissait les phtisiques, très nombreux à l'époque. Pierre Dujols eut deux filles, dont l'une épousa l'éditeur des Belles Lettres, dont les ouvrages sont consacrés à la Grèce antique. Or, la revue Atlantis était orientée vers la Grèce antique d'où était issue, pour ses membres, la tradition occidentale, et Jean Malye, délégué général de l'association Guillaume Budé, directeur des Belles Lettres et descendant de Pierre Dujols était, lui aussi, sympathisant de ce groupement, tout comme Eugène Canseliet qui aperçut une ou deux fois Pierre Dujols.Eugène Canseliet écrivit des articles sur l'Alchimie dès 1936, faisant ainsi connaître les ouvrages de Fulcanelli.Henri Coton fut introduit dans un autre milieu, celui des salons : à Paris (Nathalie Clifford-Barnet et son temple de l'amitié de la rue Jacob), et sur la Côte d'Azur à Saint-Paul de Vence et à Nice, où se côtoyaient artistes et aristocrates qui se réunissaient dans la villa Stella du comte Maurice Prozor, alors ministre du Tsar et traducteur d'Ibsen.

Là, Henri Coton-Alvart animait des rencontres où la teneur de ses exposés devint rapidement si métaphysique et ardue que la comtesse Prozor put écrire en 1927à Rose Celli, compagne du peintre Elmiro Celli (elle publia en 1930 un roman à clef, Comme l'eau, qui raconte un épisode de la vie d'Henri Coton-Alvart) : " Alvart voulait venir faire un cours, mais j'ai compris que ce nouvel enseignement serait une fatigue bien au-dessus de mes forces car l'occultisme alchimiste d'Alvart demande beaucoup d'explication pour être assimilé par de simples mortels. » Et encore : " ...sa science est merveilleuse et plus profonde que par le passé. » Toujours cette même année, la comtesse Prozor écrit de nouveau à Rose Celli qu'elle a noté une nouvelle lumière chez Henri Coton-Alvart " qui doit le conduire à réaliser une œuvre spirituelle, un œuf couvé pendant 18 mois." Elle ne se trompait guère.

Les Prozor connaissaient très bien Milosz ; leur fille Greta monta en 1927 sa pièce Don Miguel de Manara.Outre ses connaissances en Alchimie, Henri Coton-Alvart se révéla un grand maître de l'astrologie dont il précisa les rapports avec l'Alchimie. Il fit partie de la Société Astrologique de France, qui eut parmi ses membres, le Dr. Allendy (sa thèse de médecine portait le titre Médecine et Alchimie), l'astrologue Antarès, le Colonel Maillaud, A. Volguine, G.-L. Brahy, ainsi que le Dr. Emerit, ami intime d'Henri Coton qui écrivit de nombreux livres sur le sujet et partagea avec lui son intérêt pour la science hermétique. Beaucoup d'astrologues réputés, comme José Gifreda, André Barbault, Michel de Socoa et d'autres citent souvent Henri Coton-Alvart dans leurs ouvrages.

On voit combien il a marqué son époque.Il existe un bon nombre d'articles signés Henri Coton-Alvart ou xxx : notamment dans le Bulletin de la Société Astrologique de France ; parmi eux, notons La doctrine des crises et des jours critiques et un remarquable exposé où se " trouve envisagée une théorie sur l'origine cosmique de la matière terrestre inorganique et évoquée la même origine pour la matière vivante », et ce en 1935 !
Henri Coton-Alvart n'a jamais publié d'ouvrage de son vivant, mais il a laissé quelques articles et des écrits personnels, dont certains sous le titre que portait son étude préférée : "Les deux Lumières". La préface en a été confiée à Henri La Croix-Haute qui, plus encore que son disciple, fut son ami.